Chacun a sa place sur les pistes et aucun skieur n’est exclu
L’idée a commencé à faire son chemin dans l’esprit de Donald Wright dès 2016.
« Cette année-là, Fredericton a accueilli, comme de nombreuses régions du pays, un grand nombre de réfugiés syriens », se souvient M. Wright, président du club de ski de fond Wostawea. « Ma fille (Harriet) et moi sommes devenus une famille d’accueil grâce à un programme appelé First Fredericton Friends (premiers amis à Fredericton).
« Nous avons adopté une famille syrienne, les Albrdans, deux parents et cinq enfants, et nous avons travaillé étroitement avec eux pendant plusieurs années. C’était un projet complètement en dehors du club de ski ».
Mais après avoir constaté de visu les difficultés d’intégration des nouveaux arrivants au Canada, lui et d’autres membres du club de Wostawea ont commencé à voir le ski de fond comme un moyen d’aider ces nouveaux arrivants à s’installer dans leur nouvelle communauté et à s’acclimater à nos hivers. Ils ont conjugué leurs efforts avec le programme de sensibilisation du club.
Nous avons commencé à nous dire : “Nous devrions vraiment travailler avec l’association multiculturelle pour que les Syriens et d’autres personnes dans la même situation puissent chausser des skis, afin de les initier à l’hiver.
« Beaucoup d’entre eux avaient du mal à supporter le froid, la neige et la glace. Et, par conséquent, ils s’isolaient. Ils ne considéraient tout simplement pas l’hiver comme une possibilité, comme vous et moi considérons l’hiver comme une possibilité ».
C’est pourquoi Wostawea est l’un des douze clubs répartis à travers le Canada à se partager près de 285 000 dollars de subventions fédérales dans le cadre du programme Le sport communautaire pour tous et l’initiative d’équité de Nordiq Canada, afin d’aider à compenser les coûts de l’initiation au ski de fond pour les groupes défavorisés et, en fin de compte, de bâtir des communautés fortes où tout le monde s’épanouit.
Les populations autochtones. Les personnes à faible revenu. Les personnes 2SLGBTQIA+. Les personnes racialisées. Les personnes arrivant de pays lointains.
Aider à bâtir une communauté par la découverte des pistes de ski s’est avéré, dans un grand nombre de clubs à travers le pays, une grande réussite.
Il n’y a vraiment aucune pression pour continuer à skier. Il suffit d’essayer pour voir où l’expérience peut vous mener.
Et l’initiative prend de l’ampleur.
« Nordiq Canada s’est engagé à bâtir une communauté sans frontières, sécuritaire, inclusive et accueillante qui offre à tous les Canadiens l’occasion de se mettre en forme tout en trouvant leur rythme sur une paire de skis de fond », a déclaré Stéphane Barrette, chef de la direction de Nordiq Canada, lors de l’annonce de l’initiative.
Le club de ski nordique River Ridge, situé juste à côté de Saskatoon, a utilisé ses fonds pour lancer la première année d’un programme de développement du sport au sein de la communauté autochtone. Un groupe d’environ 25 personnes était initialement prévu. Quarante-quatre se sont inscrites.
« Nous allons continuer à skier jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de neige, mais nous avons fait notre bilan et les jeunes sont tout simplement extraordinaires », s’enthousiasme la vice-présidente du club, Kira Nelson, qui est également responsable des programmes pour les jeunes.
« Ils s’éclatent. Depuis la première leçon jusqu’à aujourd’hui, j’ai entendu de nombreux parents s’émerveiller de voir l’amélioration, non seulement au niveau des compétences, mais aussi de la confiance des enfants, de leur indépendance et de leur capacité à s’organiser en communauté, sans avoir besoin de l’aide d’un adulte, ce qui est vraiment, vraiment génial. »
« Nous avons vraiment ciblé les jeunes autochtones à faibles revenus. En fin de compte, nous avons eu des familles à faible revenu, des enfants métis, des nouveaux arrivants. La diversité démographique est très grande. »
« Notre objectif est de créer une communauté, un espace sûr, pour apprendre le sport, apprendre l’indépendance, la possibilité de sortir à l’extérieur pour les enfants, le coût étant un obstacle majeur pour les jeunes ».
Ce qui est particulièrement gratifiant, ajoute Nelson, c’est la façon dont le programme a été adopté par l’ensemble de la communauté.
« Nous avons reçu beaucoup de soutien de la part des gens », dit-elle. « Non pas que les gens se sentent redevables parce qu’ils ont pu participer à ce programme gratuitement, ce qui est inédit, mais parce qu’ils se sentent impliqués dans le programme et veulent trouver des moyens de le faire durer », ajoute-t-elle.
« Nous ne voulions rien imposer à qui que ce soit au début, mais au fur et à mesure que le programme avançait, ils se sont rendu compte que, pour être entraîneur communautaire, il n’était pas nécessaire d’être un skieur professionnel. Nous pouvons vous faire suivre le cours d’entraîneur et vous pouvez être là, à aider.
« Nous avons juste besoin de gens.
« Plus nous serons nombreux à aider, plus l’effet d’entraînement nous permettra de proposer le programme à un plus grand nombre de personnes et de le faire durer.
« Au début, c’était vraiment intimidant. ‘Oh, non, je ne peux pas être entraîneur ! Je ne peux pas aider.’ Mais nous avons vraiment encouragé les parents à venir, à être avec les entraîneurs et à participer à la leçon. Nous avions du matériel qu’ils pouvaient utiliser et nous leur avons donné l’occasion de voir que ce n’était pas forcément intimidant ».
Marlene Alt est l’ancienne présidente du club Kanata Nordic à Ottawa.
La subvention accordée à son club, dit-elle, a été très appréciée sur le plan des besoins essentiels – le coût de l’équipement neuf, le transport et autres – mais aussi en raison du sentiment d’engagement de l’organisme sportif et du gouvernement qu’elle suscite.
« C’est une confirmation pour nous, dans le sens où nous nous disons : “Oui, cette initiative en faveur de l’équité et de l’inclusion est importante pour l’ensemble du sport”, affirme-t-elle
« Ce projet ne faisait pas vraiment partie de nos activités principales à Kanata Nordic, mais comme il est soutenu par Nordiq Canada, il correspond davantage à ce qu’un club devrait faire, en plus d’enseigner aux enfants, d’organiser des courses et d’entraîner les coureurs.
« J’aime cet aspect.
Les programmes de Kanata sont organisés en partenariat avec diverses organisations locales (dont Women of Colour Remake Wellness, l’Black Ottawa Connect et l’Ottawa Community Immigrant Services Organization), sont offerts gratuitement et sont conçus pour répondre aux besoins de chaque groupe.
« De nombreuses communautés de la ville ne savent même pas par où commencer. Elles ont peut-être entendu parler de ski de fond ou l’ont vu à la télévision, mais elles n’en ont aucune idée.
« Nous avons un jeune Russe – nous l’appelons Stan, diminutif de Stanislav (Korobeinkov) – qui est passé par le programme de la MCAF ( Association multiculturelle de Fredericton) », explique M. Wright. « Si vous le mettez sur des skis, il est dans son élément. Il était un peu perdu, il bougeait dans tous les sens. Grâce à des leçons, nous avons pu lui enseigner quelques techniques de base et, à la fin du programme, il faisait de la double-poussée, un pas.
« C’est incroyable.
« Il voulait rejoindre ses camarades qui faisaient déjà partie de l’équipe de course junior, après seulement cinq ou six leçons. Nous nous sommes dit : “Vous savez quoi, c’est une idée tellement folle qu’il faut la réaliser”.
« Nous lui avons donc acheté des bottes, des bâtons, des skis, de pas de patins et des skis classiques. Nous lui avons acheté des vêtements pour l’extérieur.
« Aujourd’hui, ses parents l’emmènent à des courses dans toute la province et il participe à tous les entraînements. Il a participé à la Loppet et était un peu furieux que sa mère ne le laisse faire que la course de 60 km.
« Il a 14 ans et il est très très grand. Mais ses deux parents sont également très très grands, donc ça ne lui pose pas de problème. Imaginez arriver dans un autre pays et ne pas connaître la langue.
« Mais il s’est épanoui. Il est tombé sous le charme du club. Il est tellement expressif maintenant.
« C’est tout simplement merveilleux.
Stan est tout à fait d’accord.
« À chaque entraînement, dit-il, j’attends le début avec impatience. Je veux que l’école finisse plus vite pour pouvoir aller m’entraîner.
« Le Club Wostawea est un élément important de la communauté de Fredericton. Quand je croise quelqu’un sur les sentiers, je le connais parce que nous faisons partie de Wostawea.
« Cela m’a aidé physiquement. Maintenant, à l’école, je suis l’un des meilleurs athlètes.
« Dans ma culture, le bénévolat n’est pas vraiment répandu, mais ici les gens font toujours du bénévolat. J’ai eu l’occasion de participer à certaines activités. Les gens sont tellement gentils d’aider, sans rien attendre en retour.
Simplement pour partager. »
« Je veux continuer à skier. Je veux que mes frères et sœurs skient. J’ai un petit frère qui n’a que sept mois et je veux qu’il commence à skier plus tôt que moi.
La mère de Stan, Elena Vladimirova, souligne l’importance de cette expérience pour son fils.
« C’est un programme extraordinaire pour les enfants de nouveaux arrivants », explique-t-elle. « Ils peuvent se familiariser avec la culture canadienne et avec un sport, le ski, qui est très intéressant, mais qui n’est pas facile.
« Dans le cadre de ce programme, tout l’équipement est fourni et un grand nombre de bénévoles et d’entraîneurs formidables apportent leur aide. J’ai participé à ce programme avec mes enfants. Nous avons appris les bases du ski.
« Les enfants commencent tout juste à s’intéresser à ce sport. Ils nous demandent : “Est-ce qu’on peut sortir et aller skier ? ”
« Mon fils grandit et devient fort, et maintenant il est membre de l’équipe de Wostawea. Nous sommes très reconnaissants envers le club. Ils l’ont invité, l’ont aidé à s’équiper et il s’entraîne trois fois par semaine pendant deux heures.
« Il est plus actif, plus fort et ne passe plus beaucoup de temps devant l’ordinateur. À présent, c’est un garçon très occupé.
Des Territoires du Nord-Ouest à Roseisle (Manitoba), d’Uncas (Alberta) à Gatineau (Québec), d’Oliver (Colombie-Britannique) à Halifax (Nouvelle-Écosse), les clubs de ski de tout le Canada bénéficient du financement accordé.
« Nous avons besoin de plus de programmes comme celui-ci, partout », s’enthousiasme Kira Nelson. « Dans notre cas, le sport est un élément essentiel de la culture autochtone et il a été largement retiré des écoles, des récréations et des heures d’éducation physique ».
« Nous avons même reçu un aîné métis et la transmission des connaissances sur la terre fait partie du programme.
« C’est vraiment un programme formidable et nous sommes heureux d’en faire partie.
Au cours de son mandat à Wostawea, Donald Wright a endossé avec bonheur une série de rôles différents. Entraîneur de Jackrabbit, farteur en chef, organisateur, responsable de la collecte de fonds et, aujourd’hui, président.
« Je porte de nombreux chapeaux au club », reconnaît-il, « mais c’est le meilleur… disons le plus gratifiant… des chapeaux que je puisse porter”.
Marlene Alt peut certainement comprendre.
« Cette expérience dépasse de loin celle de certaines personnes, alors on essaie de les mettre à l’aise le plus possible », dit-elle. « Et la différence entre le moment où ils chaussent leurs skis – nous passons environ une heure et demie sur la neige – et la fin, eh bien, l’amélioration est tout simplement remarquable.
Il y a une semaine environ, une femme qui skiait vers la fin de la séance m’a regardée et m’a dit : “Je ne peux pas m’en passer ! J’adore ça ! ”
« Les sourires, les égoportraits… c’est incroyable. Tous les bénévoles qui sont venus m’aider me disent : “Oh oui, je reviendrai certainement pour aider à nouveau. Comptez sur moi. C’est tellement amusant”.
« Soyons réalistes, ils nous donnent autant que nous leur donnons. Et je les remercie toujours de nous laisser partager avec eux notre amour des hivers d’Ottawa. Nous voulons qu’ils voient qu’il y a des avantages à espérer beaucoup de neige.
« Nous voulons qu’ils connaissent et rejoignent cette société secrète de personnes qui ne se soucient pas de la neige annoncée.