Accueillir l’hiver : Le ski de fond au service de l’intégration des nouveaux arrivants 2ELGBTQI+ au Canada
Pour Valentina Modryka, la décision de quitter Odessa, la troisième ville d’Ukraine déchirée par la guerre, perchée sur la rive nord-ouest de la mer Noire, pour prendre un nouveau départ à l’autre bout du monde, a été difficile, mais nécessaire.
Autant pour sa vie que pour son mode de vie
« J’ai quitté le pays à cause de la guerre. Mais pour moi, le Canada est aussi très ouvert d’esprit », explique Modryka, fière membre de la communauté 2ELGBTQI+. « Chez moi, c’est assez strict. On ne dit pas aux gens que l’on appartient à un ‘autre camp’, pour ainsi dire ».
C’est donc un endroit où elle se sent plus à l’aise d’être elle-même ?
« Oui. Exactement.
« C’était quand même assez difficile (de partir). J’ai de la famille à Odessa. Mes parents sont décédés. Pas pendant la guerre, ils n’étaient déjà plus là. Mais j’avais de la famille. Aujourd’hui, la situation à Odessa n’est pas si mauvaise, du moins si on la compare à celle de l’est du pays.
« Puisque je connais l’anglais, je n’avais pas apprendre une autre langue en venant au Canada, comme j’aurais eu à le faire en Europe. J’ai fait des recherches sur les autres provinces. Le salaire est un peu plus élevé ici qu’ailleurs. J’ai aussi des amis ici. Ils m’ont parlé de l’Alberta et de Calgary.
« C’est pourquoi j’ai choisi cette ville. »
Elle a donc entamé le processus de réinstallation, décroché un emploi dans le domaine du contrôle de la qualité dans une entreprise de transformation et commencé à s’intégrer à la culture canadienne ainsi qu’à la communauté 2ELGBTQI+ de la ville.
Peu après son arrivée, Modryka a entendu parler d’un projet lancé par le Calgary Gay Ski and Social Club (CGS&S) en partenariat avec le Calgary Centre for Newcomers et la End of the Rainbow Foundation, un groupe à but non lucratif basé à Calgary qui aide à installer et à soutenir les réfugiés qui s’identifient comme faisant partie de la communauté 2ELGBTQI+.
Le projet était une leçon d’initiation au ski de fond pour les immigrants 2ELGBTQI+ au Canada, qui a eu lieu le 26 février. L’équipement et les cours étaient gratuits.
Quoi de plus typiquement canadien qu’une journée sur la neige ?
Encore aujourd’hui, en plein Mois de la fierté, le plaisir qu’elle a éprouvé et la camaraderie qu’elle a ressentie ce jour-là aux côtés d’autres immigrants 2ELGBTQI+ dans ce pays continuent de faire écho.
« En tant que nouvelle arrivante au Canada, je n’avais jamais skié auparavant », admet Modryka. « Je m’attendais à rencontrer de nouvelles personnes, à me faire de nouveaux amis. C’était un aspect important pour moi. Et c’est ce que j’ai fait.
« Tout le monde nous a mis à l’aise.
« Ils ont été très gentils. Ils ont préparé du café et des pâtisseries. Il y a eu des moments drôles. Tout le monde a dû apprendre à tomber. Puis apprendre à se relever.
« En fait, c’était très amusant. »
Le projet a été réalisé dans le cadre de l’Initiative pour l’équité de Nordiq Canada, financée en partenariat par Le Sport communautaire pour tous de Sport Canada, une subvention créée pour éliminer les obstacles et augmenter la participation au ski de fond pour les groupes sous-représentés. Une douzaine de participants ont participé au programme.
« Pourquoi faire ça ? Pour établir des liens avec les nouveaux arrivants homosexuels canadiens qui vivent à Calgary », explique le président du club, Roy Strum. « Il s’agit de créer un milieu sûr, inclusif, accueillant et bienveillant. C’est le genre de communauté que nous voulons créer ici.
« Pour de nombreuses personnes, il n’est pas facile d’être homosexuel, de se révéler en tant que tel. C’est pourquoi cet événement est en partie motivé par la volonté de permettre aux gens d’être ouvertement fiers de ce qu’ils sont en tant que personnes, en tant qu’athlètes, en tant que membres de la société ; c’est un endroit où il n’y a pas de mal à être soi-même et où l’on est apprécié pour qui l’on est.
« Il s’agit de permettre à ces nouveaux Canadiens 2ELGBTQI+ de pratiquer un sport d’hiver amusant en plein air, en élargissant la portée de la communauté pour que ces personnes aient le sentiment de faire partie de ce qui se passe ».
« Nous voulions établir ces liens et sensibiliser une communauté, notre communauté, la communauté gay, qui, à mon avis, est sous-représentée et mal desservie. »
« Nous avons accueilli des personnes originaires de pays d’Europe de l’Est, d’Ukraine, de Biélorussie, du Mexique et d’autres pays d’Amérique latine. Une participante venait de Russie », souligne Harri Ulmer, un autre organisateur de l’événement. « Certains habitants de pays chauds ne se rendaient pas compte qu’ils pouvaient faire des choses en hiver. Ils pensaient que l’hiver était quelque chose qu’il fallait endurer. C’était donc une façon de les initier à un sport qui est assez facile. La location d’une paire de skis, de bâtons et de bottes coûte environ 20 dollars pour la journée. Il y a beaucoup d’endroits en ville où l’on peut aller.
« Lorsque les gens arrivent, ils ne savent pas toujours qui d’autre est ici. C’était donc une excellente occasion de faire connaissance. De créer des liens.
Maya MacIsaac-Jones, membre de l’équipe nationale de ski de fond à la retraite, a été invitée à diriger la session.
« C’était un groupe formidable avec lequel travailler », rapporte Maya MacIsaac-Jones. « Je suis très heureuse de pouvoir travailler avec ces nouveaux skieurs.
« J’ai abordé ça comme n’importe quelle autre séance d’entraînement ; c’est pour ça que j’ai été recrutée. Mais comme il s’agit du Gay Ski and Social Club, l’accent a également été mis sur l’aspect social.
« Roy et moi avions déjà discuté à plusieurs reprises du plan de la séance. Je voulais commencer par découvrir le groupe, puis les guider dans des activités qui les pousseraient un peu plus loin et des relais amusants à la fin.
« Il y a une forte demande pour que le sport, tant au niveau local que national, soit plus inclusif ; un sport où tout le monde se sent le bienvenu. Roy et le club ont fait un excellent travail pour créer un précédent en ce sens.
La journée du 26 février n’aurait pu être plus belle lors de l’événement qui s’est déroulé à l’East Village Nordic Loop de Calgary. Un ciel bleu et dégagé avec une température de moins 2 degrés Celsius et des conditions de neige idéales.
« La journée, se souvient chaleureusement Strum, a été marquée par de nombreux rires.
Après la leçon, tous les participants se sont retrouvés dans un café voisin pour discuter de la journée et apprendre à mieux se connaître.
Brenda Bonfiglio et sa conjointe Leslie, qui sont toutes deux nées et ont grandi à Mexico, étaient parmi les participants.
Nous avions déjà pris des leçons de ski alpin auparavant », explique Mme Bonfiglio, cuisinière de profession, qui a vécu un an à Aspen (Colorado) avant de s’installer au nord il y a dix mois.
« Et nous n’avions pas eu de très bonnes expériences.
« Nous étions donc préoccupées. Mais tout le monde s’est montré très coopératif, gentil et amical. D’une certaine manière, nous avons renoué avec le ski.
« C’était la première fois que nous faisions du ski de fond, et le fait que tout le monde n’était pas très avancé dans ce sport, ce qui peut être un peu intimidant, nous a aidées.
« Le programme que nous avons suivi ce jour-là était génial.
Certains bénévoles sont même originaires de pays très éloignés. Alan Martino, par exemple, est né à Sao Paolo, au Brésil, qu’il a quitté à l’âge de 18 ans pour vivre à l’étranger et faire ses études. Il vit à Calgary depuis 10 ans et est professeur à l’école de médecine de l’université de Calgary. Alors qu’il était encore étudiant, il a rencontré son partenaire, Tony Wang, sur le campus.
« J’étais très enthousiaste à l’idée de soutenir ce projet », déclare Martino. « J’étais responsable du chronométrage – pas de pression !
« C’était incroyable de profiter de l’espace et de voir le drapeau arc-en-ciel. Des événements comme celui-ci permettent de réaliser qu’il existe une communauté accueillante. Il y avait une attitude positive et un bel esprit d’équipe.
Wang, originaire de Chengdu, en Chine, a rejoint le CGS&S l’hiver dernier et s’en est donné à cœur joie.
« Je vais certainement continuer à faire partie du club. Je me suis beaucoup amusé. C’est drôle, mais je fais partie des gens qui aimeraient que l’hiver soit plus long.
Un environnement accueillant et inclusif. Une camaraderie liée à l’activité physique.
Espérons que cette expérience sera répétée et élargie.
« Oh, oui, répond Valentina Modryka. « Je le referais. Absolument.
« J’aimerais qu’il y ait plus d’activités, de sports, organisés de la sorte.
« J’espère que ce n’est pas la fin.
L’Initiative pour l’équité de Nordiq Canada est actuellement à la recherche de nouveaux partenaires financiers. Veuillez contacter Krista à pour en savoir plus.
Par George Johnson