Avec une carrière de rêve, Emily Nishikawa a aidé le Yukon à explorer un nouveau territoire

by Chris Dornan
21 Avr, 2020

Les souvenirs resteront à tout jamais gravés dans sa mémoire.

Les 7200 sièges du complexe de ski et biathlon Laura à Krasnaya Polyana, en Russie, situé sur les pistes de la crête Psekhako, juste avant 14 h MSK, le 8 février 2014.

« Je me trouvais sur la ligne de départ pour la première épreuve, » se rappelle Emily Nishiwaka, qui a eu la tâche difficile de trouver un moment marquant du sport qui a fait partie de toute sa vie. « Le skiathlon. C’est un départ de masse, tout le monde en même temps, et pendant que j’attendais, nerveuse, j’ai été frappée par cette réalisation :

“Je vais participer aux Jeux olympiques.

Moi.

Je n’arrive pas à croire que je suis là. Je n’arrive pas à croire que je vais faire ça…”

Je me préparais à cette épreuve depuis des années.

C’était surréaliste.

Complètement surréaliste. »

Elle s’est classée au 42e rang cet après-midi-là, loin derrière la légende norvégienne maintenant retraitée Marit Bjørgen, surnommée la « Dame de fer » et l’athlète la plus décorée, hommes et femmes confondus, de l’histoire des Jeux olympiques.

Peu importe. Le fait d’être là, de participer, le cheminement pour y arriver malgré les blessures et les doutes, passer de l’anonymat à Whitehorse, au Yukon, à la plus grande scène sportive internationale, c’est tout ce qui comptait.

« De finalement pouvoir dire “Je suis une Olympienne” était important pour moi, » dit Nishikawa. « Atteindre un but pour lequel j’ai travaillé si longtemps, c’était un sentiment incroyable. J’avais un énorme sourire sur mon visage, je n’arrivais pas à y croire.

C’était réellement un rêve devenu réalité. »

Il y aurait d’autres moments forts au cours des cinq saisons suivantes de ski de fond : une deuxième participation aux Olympiques, à Pyeongchang, quatre ans après la Russie, et le fait d’être la seule femme canadienne à terminer un Tour de Ski éprouvant sur 9 jours — 7 épreuves dans 4 pays — et à y obtenir un bon classement.

Maintenant, à près de 31 ans, elle a décidé de se retirer du ski compétitif.

« Il est temps pour moi de passer à autre chose, » estime-t-elle. « J’ai eu une belle carrière avec l’équipe nationale, mais je suis prête à relever de nouveaux défis.

Je vais terminer mes études en psychologie (au Athabasca College) dans quelques semaines, puis je serai en route pour mon programme d’enseignement au Yukon College à Whitehorse. »

Dès les débuts de Nishikawa, Alain Masson, entraîneur de l’équipe de ski du Yukon depuis les années 70 et triple Olympien canadien (deux fois en ski de fond [Calgary en 88 et Albertville, en France, quatre ans plus tard, ainsi que Los Angeles en 1984 pour les Jeux d’été en cyclisme sur route]) avait remarqué son potentiel.

« On pouvait définitivement le voir, » dit-il de chez lui, à Whitehorse.

« Surtout chez les athlètes féminines, car elles ont tendance à devenir matures plus vite, on a rapidement une bonne idée de leur potentiel à faire partie de l’élite et atteindre les niveaux national et international.

Emily s’est qualifiée pour représenter le Yukon aux Jeux du Canada à 13 ans. À cette époque, la compétition était pour les U22. Malgré son jeune âge, elle était compétitive aux championnats canadiens dès ses débuts, à 14 ans. Elle avait aussi fait de la gymnastique en compétition, ça l’a certainement aidée. »

Nishikawa était au premier rang de la renaissance de l’excellence en ski de fond dans la petite ville de Whitehorse. Exceptionnellement, sur les 11 athlètes sélectionnés par Nordiq Canada pour participer aux Jeux olympiques d’hiver de 2018, trois étaient originaires d’une ville de 29 000 habitants.

« Par rapport à sa carrière en coupes du monde, et comme elle a commencé son sport assez tard, Emily était une athlète de distance, » dit Chris Jeffries, qui est devenu l’entraîneur de Nishikawa au début de sa vingtaine à la Alpine Insurance Alberta World Cup Academy à Canmore, en Alberta, le domicile du programme de l’équipe nationale. « Il est très difficile d’atteindre le succès en distance. Le fait qu’elle ait réussi à se rapprocher autant du top 20, en sachant à quel point elle était proche du top 10… ce qu’elle a fait est exceptionnel. »

« Ceux qui ne la connaissent pas ne voient pas sa confiance en elle. Son leadership et sa personnalité sont assez discrets, mais elle peut se faire entendre lorsque c’est nécessaire. Elle est une coéquipière incroyable. Elle est très loyale. Lorsqu’elle s’engage, elle y va à fond.

Je pourrais vanter longtemps les qualités d’Emily. »

Tout comme elle a été inspirée par Masson et sa femme Lucy Steele, qui a également compétitionné à Albertville, ainsi que par les médailles de Beckie Scott en 2002 à Salt Lake City puis à Turin, Nishikawa a donné un nouvel élan à la génération suivante de skieurs du Yukon, notamment Bahria Beatty et Knute Johnsgaard.

« Emily a beaucoup aidé Dahria et Knute, » dit Masson. « Aux derniers Jeux olympiques, nous avions trois athlètes du Yukon en ski, et l’une des raisons est le fait qu’elle est un si bon exemple.

Il est certain que ça aide d’avoir des mentors, des personnes qui ouvrent la voie. S’ils viennent du même endroit en plus, ça crée un lien immédiat qui donne aux jeunes skieurs encore plus de raisons de croire que tout est possible. »

« Je ne me suis jamais vue comme telle, » avoue Nishikawa, « mais je me souviens de l’importance qu’avaient mes modèles pour moi quand j’étais jeune, alors si je peux être le modèle de quelqu’un, ça va me faire plaisir.

J’espère être un bon modèle. »

Au Yukon, grâce aux histoires comme celle d’Emily Nishikawa, l’improbable est devenu bien plus que simplement possible.

La popularité du ski a monté en flèche. Le Whitehorse Cross Country Ski Club fait partie des plus grands clubs au Canada avec plus de 1300 membres.

« Notre programme compte un entraîneur salarié à temps plein depuis longtemps, depuis la fin des années 70 » note Masson, l’entraîneur-chef des lieux depuis 1995.

« Whitehorse a été la première ville non européenne à présenter une coupe du monde, en 1981. Nous avons eu des athlètes sur les équipes nationales dans plusieurs sports.

La communauté est très solidaire, très engagée et très impliquée. Nous avons aussi pu profiter de bonnes subventions du gouvernement territorial depuis longtemps.

Nous avons une belle neige. L’hiver est long et beau, il commence tôt et finit tard. La région et le climat sont vraiment propices pour développer des bons skieurs. »

Emily Nishikawa se trouve aux premiers rangs.

« Le Yukon a toujours eu un historique de bons skieurs de fond, » souligne-t-elle.

« Entre Lucy et Alain et moi, lorsque j’ai été aux Olympiques à 22 ans, il y a eu un long creux, mais c’était extraordinaire de voir trois skieurs se qualifier ensuite pour Pyeongchang.

C’est incroyable de voir la relève et leur potentiel. Nous avons un bon groupe d’entraîneurs bénévoles, des belles installations, des hivers longs, et la popularité du sport augmente.

C’est vraiment les conditions parfaites. Et maintenant, les jeunes skieurs voient qu’il est possible de se rendre aux Olympiques quand on vient du Yukon, c’est très excitant pour eux.

Je crois que tout le monde a hâte de voir ce qui s’en vient. »

Est-ce que « ce qui s’en vient » pourrait être un skieur du Yukon sur un podium olympique prochainement?

« Tant que la structure et le soutien au niveau national restent les mêmes, tout est possible, » répond Masson.

Dans les estrades, une future professeure sera là pour les encourager.

« Je n’ai jamais tenu pour acquis le soutien de ma communauté, » dit Nishikawa. « J’ai été choyée d’avoir tant de personnes derrière moi.

Ils m’ont aidé à traverser les épreuves difficiles et à célébrer les bons moments.

Je vais m’ennuyer du mode de vie d’athlète de haute performance, dans lequel on doit se concentrer sur un seul objectif. Notre vie entière est en fonction de ce but et c’est gratifiant de travailler pour l’atteindre.

Je peux maintenant utiliser cette énergie pour mes études et les autres aspects de ma vie, mais je vais toujours aimer le ski. Je vais toujours faire du ski récréatif.

J’ai tellement appris du sport, de tous les endroits que j’ai visités et tout ce que ça m’a apporté.

Ça fait partie de ma vie. »

18.02.2020, Are, Sweden (SWE):
Emily Nishikawa (CAN) – FIS world cup cross-country, individual sprint, Are (SWE). www.nordicfocus.com. © Thibaut/NordicFocus. Every downloaded picture is fee-liable.