Jesse Cockney célèbre la Journée nationale des peuples autochtones et se penche sur sa vie de ski
Le 15 février 2002, le bruit provenant de la salle informatique du collège Lawrence Grassi à Canmore a été entendu jusqu’à la Rue Main.
« J’avais 13 ans », se souvient Jesse Cockney, « et nous, quelques copains à moi, Haakon Lenes et Evan Bruce, également skieurs, et quelques autres dont je ne me souviens plus exactement, étions assis devant l’ordinateur, à regarder les résultats des courses olympiques de Salt Lake City.
« Et nous avons vu que Beckie Scott avait terminé troisième (dans la poursuite de 5 km). Troisième ! Je veux dire, c’était …. fou. Elle a finalement obtenu l’or quand les deux Russes ont été disqualifiées, bien sûr. Mais à ce moment-là, elle était troisième. Ce qui était encore, pour nous, tout simplement incroyable.
« Alors, on s’est laissé aller.
« J’avais skié toute ma vie. Mais c’est là que j’ai décidé : je veux réussir. C’était un grand jour pour moi. »
Le 21 juin est la Journée nationale des autochtones au Canada. Un autre grand jour pour Jesse Cockney, qui a participé deux fois aux Jeux olympiques.
Je suis fier de ce que je suis, de mon patrimoine », déclare l’athlète qui fêtera bientôt ses 31 ans, né à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest, en 1989.
« J’apprécie vraiment qu’il y ait ces moments où les différentes communautés ont la chance de montrer leur dynamisme. Au Canada, il serait difficile de trouver une communauté plus dynamique que les communautés autochtones.
« D’est en ouest et du nord au sud. Il y a tellement de diversité. »
Le sport en général, et le ski de fond en particulier, font aussi partie de la culture familiale.
Sa soeur, Marika, a fait de la compétition pendant un certain temps. Son père, Angus, un Inuvialuk originaire de Tuktoyaktuk, a remporté deux médailles d’or aux Jeux d’hiver du Canada de 1975 à Lethbridge.
Remontant plus loin, l’arrière-grand-père Bob Cockney a été l’un des premiers Inuvvialut à apprendre à lire et à écrire et il utilisait ces outils pour écrire une autobiographie, I, Nuligak. Il était aussi, au dire de tous, un athlète doué.
« Donc, je suppose, » estime Jesse, « qu’on peut dire que j’ai ça dans le sang. Mon père m’a inculqué l’esprit de compétition dès mon plus jeune âge.
« Nous avons des photos de moi sur des skis quand j’avais deux ans. Très, très jeune.
« À cet âge, ce n’est pas vraiment du ski. Mais je me souviens avoir participé à des courses à Yellowknife, avant que nous déménagions à Canmore en 1996, quand j’avais environ sept ans.
« Ensuite, mon père nous a montré, à ma sœur et à moi, comment nous entraîner, comment se familiariser avec un sport qu’il aimait lui aussi.
« Ça a été une vie de ski. »
Athlète olympique en 2014 et 2018, à Sotchi et PyeongChang, Cockney a découvert le sport quand il était enfant. Il a eu le coup de foudre en 1996, en regardant la finale du 100 mètres aux Jeux olympiques d’été d’Atlanta.
La victoire de Donovan Bailey », dit-il, « a été importante pour moi, vu l’ampleur de la scène aux Jeux olympiques ». Être l’homme le plus rapide du monde, établir des records du monde, gagner des médailles d’or ? Et la façon dont il a gagné… À sept ans, voir quelqu’un de ton pays courir aussi vite, tu es sous le choc.
« Mais un choc positif. »
Fidèle à ses principes, M. Cockney s’est fait un devoir d’être un modèle positif pour tous les jeunes autochtones et, loin de la neige, il encadre les étudiants des Premières nations, Inuits et Métis. (Son inspiration, Beckie Scott, qui a elle-même été inspirée par les sœurs Sharon et Shirley Firth – deux des premières athlètes autochtones à représenter le Canada aux Jeux olympiques – a ensuite créé Spirit North, un programme caritatif qui responsabilise les jeunes autochtones par le sport et le jeu en les initiant au ski de fond.
« Étant moi-même athlète, je ne pourrais jamais me comparer à Donovan Bailey ou Beckie Scott », proteste-t-il. « Ce sont des champions.
« À titre de comparaison, j’étais un athlète quelconque aux Jeux olympiques. Mais j’ai passé un sacré bon moment à être un athlète quelconque. L’énergie que j’ai déployée pour donner le meilleur de moi-même, pour faire de mon mieux pour y arriver, cet engagement, le fait de le respecter, j’espère que les gens s’en rendront compte.
« Je me souviens de plusieurs courses. Mais au final, c’est le travail dont je suis le plus fier et les gens avec qui j’ai pu partager tout ça, mes coéquipiers, mes copains.
« Habituellement, chaque fois que je discute, que ce soit avec un groupe scolaire, dans une réserve ou avec une organisation de jeunes, je parle du cheminement et non du résultat final.
« Le moment où l’on se trouve sur un podium est court. Mais les expériences que vous tirez en essayant d’y arriver sont durables. Cela semble prendre une éternité, on a l’impression de travailler sans relâche.
« C’est le message que j’essaie de partager : connais-toi toi-même, trouve quelque chose que tu aimes – le ski, le sport, quoi que ce soit – et n’aie pas peur de travailler fort pour y arriver. C’est de là que vient la satisfaction ».
Après les Jeux de PyeongChang, ayant senti s’estomper le désir de s’entraîner de manière résolue, Cockney a pris une année de congé pour s’éloigner du sport. Il a maintenant terminé deux ans d’études en sciences politiques et commencera cet automne des études de kinésiologie à l’Université de Calgary.
« Il y a deux ans, j’ai estimé que c’était le bon moment pour moi de m’éloigner du ski. Mais j’ai toujours eu des sentiments mitigés et peut-être que je n’ai pas été super honnête envers moi-même.
« L’année dernière, j’ai recommencé à m’entraîner sérieusement, revenant tranquillement, en visant le même niveau que lorsque j’étais dans l’équipe nationale de ski.
« C’est devenu fructueux et j’ai retrouvé un sens à l’entraînement. C’est ce qui manquait en 2018. C’est excitant de retrouver cette énergie. J’ai des objectifs concrets en tête, mais ils ne sont pas vraiment axés sur les Jeux olympiques.
« Je veux juste avoir de bonnes performances. J’ai quelques dates encerclées sur le calendrier pour la saison prochaine et j’espère qu’elles se concrétiseront, malgré tout ce qui se passe en ce moment.
« On verra où demain me mènera. »
À chaque 21 juin il est porté à réfléchir à son éducation, à son père, à son arrière-grand-père, à son patrimoine.
« Une journée comme la Journée nationale des peuples autochtones, ne peut que nous rappeler nos ancêtres et les défis qu’ils ont dû surmonter dans leur vie », souligne Jesse Cockney.
« On n’a qu’à penser à la culture qui a émergé d’une telle épreuve.
« Je suis un athlète de sport d’hiver. Donc, je connais le froid. Mais je peux sortir aussi longtemps que je veux et revenir ensuite à l’intérieur. Ça n’a pas été le cas pendant des siècles pour les gens du nord, vivant et prospérant dans ces conditions.
« Cette journée est donc l’une de celles où moi, ma sœur, mon père et tous les autres peuvent réfléchir à la détermination dont ils ont fait preuve et être fiers de la vitalité qui existe encore au sein des communautés autochtones.
« Toute ma carrière sportive, et maintenant que je suis étudiant à l’université, a été soutenue par des gens du Nord.
« C’est fou ce que cette communauté m’a donné. Je me sens plutôt chanceux. »