Le legs Jackrabbit de Johannsen se poursuit
Par Rita Mingo
Herman Smith-Johannsen n’a probablement jamais pensé que son surnom, Jackrabbit, inspirerait un jour des milliers de jeunes Canadiens en ski de fond.
Le programme Jackrabbit, qui est offert dans d’innombrables clubs de ski de fond partout au pays, a pris naissance au Manitoba lorsque, au début des années 70, la nouvelle Cross Country Ski Association of Manitoba a réalisé qu’il n’y avait pas de programme de développement pour les jeunes.
En 1976, la CCSAM a offert son premier programme de ski junior; 10 enfants âgés de 10 à 12 ans ont participé selon le concept original d’avoir du plaisir. Aucune compétition, il n’y avait que des consignes et des jeux.
Le programme a été nommé en l’honneur de Smith-Johannsen, le Norvégien devenu Canadien qui a été un pionnier du ski au Canada et qui a vécu jusqu’à l’âge vénérable de 111 ans.
Le programme Jackrabbit est devenu national au début des années 80, commandité à l’époque par Air Canada, et il connaît encore du succès aujourd’hui.
« C’est une bonne initiation au sport, » commente Karin McSherry, directrice générale de la CCSAM, qui dit qu’une moyenne de 300 à 400 jeunes participent au programme dans sa province chaque année.
Le programme est particulièrement populaire dans le foyer du ski de fond en Colombie-Britannique, où un nombre record de 2500 enfants de 4 à 12 ans participent à Jeannot Lapin, Jackrabbit et En Piste!
« Le programme est offert partout dans la province, » explique le directeur général de Cross Country B. C., Wannes Luppens. « De nombreux clubs utilisent le programme depuis des dizaines d’années et en même temps, des nouveaux clubs viennent de le lancer dans les dernières années, c’est très excitant. »
L’association est en partenariat avec Kal-Tire, qui a pris naissance à Vernon et est le commanditaire du programme depuis quelques années.
« Notre sport est très orienté vers la famille et c’est pour tous les âges, » commente Luppens. « Les gens veulent inscrire leurs enfants dans le programme. Nous voyons que c’est une activité multigénérationnelle. Les anciens participants des années 80 ont maintenant des enfants et c’est certain qu’ils vont choisir de pratiquer le ski de fond. »
« C’est en plein air, c’est accessible et c’est peu coûteux. Ces avantages sont tous amplifiés en ce moment. En Colombie-Britannique, tous les sports d’équipe intérieurs et extérieurs ont connu des restrictions sévères. Pour que les programmes puissent continuer, les participants devaient garder une distance de 3 mètres; avec notre sport, c’est facile. »
La pandémie de COVID-19 a définitivement amené les gens à sortir et les pistes de ski ont été populaires.
« Je crois que le programme est essentiel pour les jeunes, » dit Maria Lundgren, assistante-entraîneure provinciale en Colombie-Britannique basée à Whistler, qui a deux enfants inscrits au programme. « C’est là où ils peuvent avoir du plaisir avec leurs amis et apprendre les compétences. En grandissant en Suède, on dit que les enfants skient aussitôt qu’ils peuvent marcher. »
« Les entraîneurs qui s’impliquent dans le programme sont des superhéros. C’est un travail très difficile. Pendant mon congé de maternité, j’ai entraîné les 4-5 ans pendant la saison et à ce jour, c’était mon travail le plus ardu! »
Le but de Jackrabbit est très simple lorsque l’on parle des enfants en prématernelle et au primaire.
« Avoir du plaisir est la priorité, » dit Lundgren. « Si les enfants ont du plaisir, ils veulent revenir. Les entraîneurs doivent être très organisés et très patients. Ils doivent pouvoir avoir un bon plan B. Si l’entraîneur est bon, il peut prévoir des jeux pour apprendre des choses aux enfants sans même que les enfants s’en rendent compte. »
« Je suis au Canada depuis 14 ans et je dirais que cette année, l’intérêt pour le ski de fond à Whistler est énorme. C’est génial de voir que les gens pensent à ce sport. »
À l’autre bout du pays, le même phénomène se produit.
Claudette Goguen Kavanaugh, directrice générale de Cross Country Ski New Brunswick, dit que le programme a connu un regain de popularité.
« Notre plus gros club, Wostewea à Fredericton, a connu un record l’an dernier, » dit Kavanaugh par rapport aux inscriptions. « Cette année, avec la COVID, les parents cherchent des sports extérieurs. Lorsque le club a ouvert les inscriptions, ils ont atteint le maximum de 140 participants en 24 heures. Il y a eu beaucoup de nouveaux inscrits et ils ont dû trouver une façon de ne pas perdre les enfants des années précédentes. »
« Cette année, je regardais les statistiques, » dit-elle, « et certains clubs fonctionnent par cycle. Fredericton augmente les inscriptions de façon continue. Si vous avez des entraîneurs qui sont enthousiastes et qui impliquent les parents, et s’ils pratiquent le ski en famille, ça augmente le plaisir d’en faire. Tous nos jeunes compétitifs viennent de là. »
« En vivant au Canada, on doit trouver quelque chose à faire en hiver. »
Pour impliquer les enfants et les voir se passionner pour le sport, Nordiq Canada a lancé un concours de dessin et le gagnant ou la gagnante voyait sa création sur les tuques portées par 10 500 Jackrabbits et Jeannot Lapin en 2021. Le gagnant est Nicholas Driver, d’Ottawa, membre du Kanata Nordic Club.
Son dessin est celui de grands arbres sous un ciel sombre.
« J’associe généralement le ski à la soirée, » explique Nicholas, qui vient d’avoir 10 ans. « J’ai toujours été bon pour dessiner les couchers de soleil et j’ai toujours aimé m’imaginer skier en soirée, ça m’a donné l’idée pour mon dessin. Ça m’a pris un moment pour y penser et ma mère m’a aidé à trouver l’idée. Des arbres, des pins, des choses comme ça. »
Les Driver sont impatients de recevoir leurs tuques.
« Nous sommes très heureux, » dit Brian Driver, le père de Nicholas, qui a deux garçons inscrits au programme Jackrabbit. « Nous aimons le fait que les cours de ski gardent nos jeunes actifs. Les instructeurs faisaient des boucles autour du parc pour leur donner des consignes en tout temps. Avec tout ce qui arrivait, c’était super pour eux d’apprendre toutes ces nouvelles compétences et d’être dehors tout le temps. Nicholas a immédiatement eu la piqûre. »
« Nous avons vu le concours de dessins et il faisait partie du bon groupe d’âge. Nicholas aime les arts et je lui ai parlé du concours. Il a tout de suite été très excité et s’est mis au travail. »
« C’était très excitant, » confirme Nicholas, « parce que c’est la deuxième ou troisième fois que je gagne un concours. »
C’est cet enthousiasme pour le ski de fond parmi les jeunes Canadiens qu’Herman Smith-Johannsen serait heureux de voir aujourd’hui.
Sa passion vit encore et elle est personnifiée par les jeunes que nous appelons les Jackrabbits.