Le modèle de Montréal – Développer le ski en milieu urbain au Canada
Remarque : Cette histoire a été écrite avant que Stéphane Barrette ne soit nommé directeur général par intérim de Nordiq Canada
La ville de Montréal a la réputation d’être une ville cosmopolite et élégante.
Mais ce qui n’est peut-être pas encore reconnu, c’est qu’elle est devenue un épicentre urbain pour le ski de fond.
Situé juste à l’ouest du centre-ville, le parc vallonné du Mont-Royal sert de destination aux passionnés locaux qui aiment chausser leurs skis de fond sans devoir faire de longs trajets en voiture.
Avec un climat idéal la plupart des hivers, Ski de fond Montréal (SFM) permet à environ 200 000 Montréalais de sillonner les pistes, que ce soit deux fois par saison ou à chaque semaine.
SFM n’est pas un club au sens traditionnel du terme ; il n’est pas propriétaire du terrain et ne s’occupe pas des installations sur la montagne. C’est une organisation qui a été constituée en novembre 2018 et a commencé ses activités il y a un an en vue de rendre l’expérience du ski de fond accessible à tous. Et par tous, nous voulons vraiment dire tous.
« Il n’y avait pas de regroupement pour défendre la voix de tous les skieurs de l’île », explique Stéphane Barrette, l’instigateur du projet. « C’était l’un de nos principaux mandats lorsque nous avons commencé. Nous avons réalisé un sondage sur l’appréciation des Montréalais du réseau de pistes de Montréal et l’avons diffusé par divers moyens de médias sociaux et avons développé une relation avec la ville de Montréal. »
Barrette est également le directeur du développement des entraîneurs et des athlètes de Nordiq Canada, et a récemment été nommé directeur général par intérim de l’organisme national de sport.
« C’était ma propre initiative, avec l’aide de quelques amis, de constituer le conseil d’administration initial », dit Stéphane Barrette, expliquant la création de SFM. « L’objectif n’était pas de créer un simple club, étant donné sa portée limitée. Nous n’utilisons jamais le mot « club ». Un de nos premiers mandats a été de servir de carrefour pour représenter les skieurs de fond de toute forme, de tout âge et de tout sexe, sur l’île de Montréal.
« Montréal est la grande ville la plus nordique où il y a suffisamment de neige et où nous avons un véritable hiver. Il y a 200 km de pistes de ski de fond damées sur l’île de Montréal. Il n’y a probablement aucune autre grande ville en Amérique du Nord dans cette situation. »
La ville de Montréal exploite les pistes et il est gratuit d’y skier. M. Barrette envisage un modèle semblable à celui de Facebook ou Google, où une adhésion nombreuse, à très faible coût, permettra d’obtenir des commandites et de la publicité.
« Nous avons à peu près la même vision, mais il faut la relativiser », souligne-t-il. « Supposons que nous ayons 10 000 ou 20 000 membres … ce serait probablement assez important pour être très attrayant pour les commanditaires potentiels, locaux, provinciaux ou même nationaux. C’est ce que nous testons comme théorie. »
SFM agit également comme conseiller auprès de la ville en ce qui concerne les éléments requis pour une expérience idéale de ski de fond.
« Le parc du Mont-Royal est de loin l’endroit où les gens vont le plus souvent pour skier, » explique M. Barrette. « Il y a des collines, donc il y a des aspects de sécurité en ce qui concerne la façon dont les pistes sont reliées entre elles. Il y a eu certaines déficiences chroniques en termes de sécurité des pistes, c’est pourquoi nous avons établi une liste de recommandations pour la signalisation. Nous conseillons la ville de Montréal non seulement pour la qualité de l’entretien, mais aussi pour la sécurité et la gestion des risques. »
L’organisation propose des séances hebdomadaires d’entraînement en soirée, pour les 10 ans et plus, au printemps, à l’automne et en hiver. Les skieurs maîtres se joignent souvent aux skieurs juniors élites. Les adultes qui souhaitent tout simplement améliorer leur technique et leur condition physique ainsi que les débutants sont tous les bienvenus.
« Il y a tellement de gens qui veulent rester en forme », dit Erika Ladouceur, qui est entraîneure de SFM depuis l’automne. « Si vous voulez simplement améliorer votre technique et devenir un skieur plus efficace, afin de pouvoir vous entraîner à la course, nous avons des programmes conçus pour ça. Nous avons des séances privées ; et même en une heure, un coureur se dit : « Oh mon Dieu, ça peut être un bon entraînement ».
Ce nouveau modèle a permis à Mme Ladouceur, qui a également été entraîneure de kayak et d’aviron, pour ne citer que ces sports, de sortir de sa zone de confort.
« J’ai surtout travaillé dans des clubs qui ne sont pas en ville, donc pour moi c’est une expérience très nouvelle », note-t-elle. « Il y a deux hivers, j’étais dans un club au nord de Montréal, donc j’étais un peu incertaine sur la façon dont ça allait fonctionner. Mais je suis très impressionnée. Ce qui m’a le plus marqué, c’est qu’il faut être créatif pour que tout le monde reste motivé et enthousiaste. On ne peut pas faire l’entraînement habituel ; on est restreint à un certain espace.
« Je n’avais pas réalisé que le parc du Mont-Royal était si grand. Cependant, la météo et la qualité des pistes de ski représentent un défi. On finit par constater qu’en autant qu’on varie les activités et qu’on s’entraîne de façon créative, on n’a pas besoin de plusieurs kilomètres.
« Les enfants sont un peu énergiques », dit-elle en riant. « J’envisage de faire quelques excursions de plus l’année prochaine, mais j’ai remarqué que la plupart des athlètes sont enthousiastes, veulent être là et veulent exceller. Pour le volet récréatif, c’est la passion. J’ai l’impression que ça aide les familles qui ne veulent pas qu’inscrire leurs enfants à un programme. Ce que j’ai remarqué au parc du Mont-Royal, c’est que les familles y vont pour sortir de la ville. Je pense que c’est ma plus grande découverte. »
Naturellement, les enfants constituent une grande partie des inscriptions au programme. L’un de ces programmes fait équipe avec une organisation multisports provinciale qui gère le sport scolaire et SFM fait découvrir le ski de fond à ces élèves. Ce programme se déroule dans un parc à proximité du stade olympique et, l’hiver dernier, 1 800 enfants ont participé à 71 séances.
« Je ne pense pas que nous aurions pu espérer beaucoup plus », dit M. Barrette à propos de la première saison. « Il est intéressant de noter que le groupe de base avec lequel nous avons démarré l’organisation était plutôt un groupe de skieurs juniors élites d’un club des Laurentides. Si vous êtes un skieur de compétition de Montréal, vous deviez rejoindre un club de l’extérieur de la région. En tant qu’entraîneur à Montréal, j’aidais ces athlètes à pouvoir s’entraîner chaque semaine, car il n’est tout simplement pas réaliste de penser aller reconduire les enfants en voiture après l’école, à l’heure de pointe, à Saint-Jérôme ou ailleurs.
« C’est aussi un aspect très particulier de notre club. Si vous êtes un coureur, vous n’avez pas à représenter Ski de fond Montréal aux courses. Nous offrons également des services de coaching pour d’autres clubs. À l’avenir, nous allons offrir des services de course complets. Nous savons que nous aurons des coureurs plus expérimentés et peut-être plus âgés cette année. »
Erika Ladouceur, qui a grandi au Québec mais qui a beaucoup travaillé comme entraîneure dans la région de Victoria, en Colombie-Britannique, s’habitue encore aux particularités du milieu urbain.
« Je pense que le plus difficile à comprendre, et ce l’était pour moi aussi, c’est des choses simples comme se stationner », dit-elle. « Si nous faisons l’entraînement au bas de la côte, on peut se stationner sur la rue. Si l’entraînement se déroule en haut de la côte, il faut payer le stationnement. Il y a des choses bêtes comme ça. J’ai passé mon enfance dans un club en Colombie-Britannique, totalement en forêt, et les gens ont cette vision que le ski de fond, c’est ça.
« C’est une communauté ; ce qui compte le plus pour moi, c’est le sentiment d’appartenance à une famille. C’est le premier club où je me sens comme dans une famille. Des gens qui veulent vraiment être là et qui veulent aider. » On ne sait pas si d’autres grands centres suivent l’exemple de SFM, mais Stéphane Barrette veut avant tout que ce soit le bon.
« C’est un projet pilote », dit-il. « Je l’ai présenté comme un modèle différent et aussi comme un modèle d’affaires. Nous espérons démontrer que ça fonctionne et que nous pouvons évoluer avec ce genre de modèle avant de le proposer à d’autres clubs qui pourraient y trouver leur compte. Une étape à la fois. Si le modèle s’avère viable dans deux ans, alors pourquoi ne pas partager cette option avec les autres. »