Ski de fond: développer la communauté dans le nord du Canada

19 Avr, 2023

Ulukhaktok est un petit hameau de la côte ouest de l’île Victoria, situé dans la région d’Inuvik, aux Territoires du Nord-Ouest, qui possède le terrain de golf le plus septentrional du monde.

 

« Nous ne sommes accessibles que par avion », rapporte Bryan Stone, enseignant à l’école Helen Kalvak Elihakvik et passionné de ski de fond. « Nous sommes 400 personnes au total. Donc, oui, il s’agit bien d’une communauté éloignée. »

 

« On peut se sentir très isolé. Je me souviens qu’au début de mes études secondaires, on se disait : “Oh, oui, nous allons faire une course dans la ville voisine… ».

 

« Ici, la ville voisine est très éloignée ».

 

C’est justement pour cette raison que d’octroyer 130 000 $ à l’organisme Cross Country NWT dans le cadre de l’initiative Le sport communautaire pour tous de Sport Canada et de l’Initiative pour l’équité de Nordiq Canada s’est avéré un choix judicieux.

 

Cette initiative vise à bâtir la communauté et à accroître l’accès au sport. Cross Country NWT a utilisé les fonds pour s’associer à Spirit North, une organisation caritative nationale fondée par l’athlète olympique Beckie Scott, qui se sert d’activités issues du territoire pour améliorer la santé et le bien-être des jeunes Autochtones. Ensemble, ils ont mis en place des programmes de ski de fond dans près de 30 communautés du Grand Nord, dont Ulukhaktok.

 

Tel que mentionné, le défi le plus remarquable est celui de la logistique.

 

Ici, il n’y a pas de “ville d’à côté””, remarque avec regret Ollie Williams, qui aide Cross Country NWT en matière de logistique et d’administration publique.

 

Il souligne qu’il n’y a pratiquement aucune occasion de skier dans une nouvelle communauté ou avec de nouveaux visages, de nouvelles personnes, dans de nouveaux endroits.

 

« À partir de Yellowknife, par exemple, la ville la plus proche avec un club de ski se trouve à environ cinq ou six heures de route, dans le meilleur des cas. Personne n’est prêt à faire ce trajet pour aller skier pendant un week-end. »

« L’un des aspects les plus intéressants du projet que nous menons actuellement est qu’il nous permet de créer des circonstances où les jeunes de différentes communautés se rencontrent et skient ensemble, et d’avoir ce genre d’environnement que les gens considèrent parfois comme acquis dans le sud. Or, pour nous, il n’est pas concevable de faire ça régulièrement ou même occasionnellement dans le nord du pays. »

 

« Les communautés ont besoin d’infrastructures auxquelles nous ne pensons pas toujours. Elles ont besoin de gens, de ressources, d’idées, d’énergie, d’enthousiasme et de ferveur, ainsi que d’infrastructures physiques ; elles ont besoin de liens entre les gens.

 

« Il est très difficile de maintenir tout ça en même temps dans une région qui fait deux fois la taille de la France avec une population de 40 000 habitants. C’est pourquoi nous avons besoin de toute l’aide possible pour créer ces liens qui fournissent de l’énergie et de l’enthousiasme.

 

« C’est pourquoi ce projet est si passionnant. Il apporte une énergie dont le sport peut ensuite se nourrir ».

 

M. Stone pratique le ski de fond depuis plus de dix ans. Il a participé à des compétitions au sein de l’équipe de l’université Nippising de North Bay, en Ontario, avant de s’installer dans le nord et de rejoindre le personnel enseignant de l’école Helen Kalvak Elihakvik, qui compte 110 élèves.

 

Bien entendu, lorsqu’il est parti vers le nord pour commencer une carrière d’enseignant, il a emporté ses skis.

 

« Tous les enfants me voyaient skier, se souvient-il, et voulaient essayer. J’ai donc cherché du financement et j’ai été surpris de la rapidité avec laquelle tout le monde s’est rallié au projet – l’idée étant que si les enfants sont intéressés, il faut que ça se réalise.

 

« C’était vraiment génial.

 

« Il y a deux ans, j’ai créé un club de ski et j’ai été très surpris par le financement, l’intérêt et l’initiative de la commission scolaire et de la communauté. Ils ont fourni un grand nombre de skis, ce qui nous a permis de faire skier un certain nombre d’enfants assez rapidement.

 

« Bottes, bâtons et skis… nous avons pu équiper tout le monde. Et une grosse cargaison de skis est arrivée cette année.

 

« La glace marine est parfaite pour le ski, ce qui nous offre une belle et grande étendue pour skier.

 

« Il reste encore du travail à faire pour que les élèves assistent régulièrement aux séances de ski. Mais lors des journées spéciales organisées par l’école, nous constatons un grand intérêt, en particulier de la part des plus jeunes.

 

L’histoire de M. Williams est un peu différente. Né dans le sud de l’Angleterre, il a fait son chemin jusqu’à devenir journaliste sportif pour la BBC. Alors qu’il se trouvait à Vancouver pour couvrir les Jeux d’hiver de 2010, “j’ai rencontré une fille” et le cours de sa vie a changé du tout au tout.

 

« Après les Jeux olympiques de 2012 à Londres, nous avons décidé de retourner dans son coin de pays et nous nous sommes retrouvés à Fort Liard, un hameau situé à 37 kilomètres au nord de la frontière de la Colombie-Britannique.

 

De Londres, en Angleterre, qui compte 8,8 millions d’habitants, à Fort Liard, dans les Territoires du Nord-Ouest au Canada, qui compte 468 habitants.

« Et, rapporte-t-il, j’ai adoré. C’est un endroit où il fait bon vivre. Je suis tombé en amour avec les Territoires du Nord-Ouest.

 

Il a donc quitté la BBC et s’est installé à Yellowknife, où il a acheté et continue de gérer Cabin Radio, un site web de nouvelles et une station de radio en ligne dans les Territoires du Nord-Ouest.

 

« Et pour moi, rien ne devrait se passer autrement. Ce qui me réjouit, c’est que même si je suis mauvais en ski, je contribuerai au moins un tout petit peu à aider la prochaine génération des Territoires du Nord-Ouest à se

rendre compte que ce sport est formidable et qu’elle vit dans une région du monde qui s’y prête parfaitement.

 

« Même pour quelqu’un d’aussi mauvais en ski de fond que moi, la possibilité de partir en ski faire le tour d’un lac gelé avec un berger allemand attaché devant soi est tout simplement… paradisiaque ».

 

« C’est le bonheur absolu.

 

« On essaie toujours d’en faire le plus possible avec l’argent et les gens dont on dispose ».

 

M. Williams n’hésite pas à souligner qu’il n’est qu’une ” petite, petite, petite partie de ce ” projet, désignant Sarah Pruys, spécialiste de la communication et journaliste multimédia à Cabin Radio, et Annika Olsen de Spirit North comme les forces motrices de ce projet.

 

« Il y a des gens de Spirit North qui vont dans ces communautés, il y a des enseignants dans ces communautés, il y a des responsables des loisirs dans ces communautés », souligne Annika Olsen de Spirit North. « Ce sont eux qui sont en première ligne et qui assurent la mise en œuvre de ces programmes.

 

« Tous les efforts que nous pouvons faire pour initier un plus grand nombre de personnes au ski sont les bienvenus ».

 

Tous s’accordent à dire que les programmes financés par la subvention créent un engouement dans de très nombreuses communautés des Territoires du Nord-Ouest.

 

« Un élément très intéressant est que nous allons recevoir des visiteurs de Nordiq Canada pendant une semaine entière pour essayer d’impliquer toute la communauté dans le ski », rapporte M. Stone.

« C’est formidable. Les étudiants se rendent dans le sud pour participer à des compétitions et à d’autres activités de ce genre, mais le fait que quelqu’un vienne dans le nord est un peu différent, et c’est merveilleux à voir ; c’est vraiment important.

 

« De plus, ils ont une approche communautaire globale, invitant tout le monde à venir et à faire un essai. Ainsi, on suscite l’intérêt des parents et des frères et sœurs.

 

« C’est ainsi que l’on développe une culture axée sur le ski ».

 

Cross-country NWT est un organisme territorial (il n’y a que quatre clubs répartis sur son territoire de 1,3 million de kilomètres), et son mandat est donc d’aider tous les résidents à pratiquer le ski.

 

C’est là où les ressources entrent en jeu, les défis aussi, car si vous n’avez pas de club et que vous devez vous rendre par avion dans une communauté, il est très difficile d’offrir des cours de ski et d’amener les gens à découvrir notre sport », soupire M. Williams.

 

« C’est pourquoi ce projet est si important et nous espérons qu’il aura un effet à long terme.

 

« Pour donner un ordre de grandeur, le budget annuel de Cross Country NWT est de l’ordre de 100 000 dollars. Ce projet vaut 130 000 dollars. Nous recevons donc plus que notre financement annuel pour pouvoir réaliser ce projet. Pas besoin d’être comptable pour comprendre ce que ça signifie.

 

« C’est très difficile d’envoyer les bonnes personnes au bon endroit et au bon moment et de trouver l’argent nécessaire pour envoyer autant de personnes que vous le souhaitez dans autant d’endroits que vous le souhaitez.

 

« Nous avons des projets très réussis dans la région des Territoires du Nord-Ouest, mais nous ne pouvons pas sous-estimer un projet d’une telle ampleur, c’est pourquoi il est très intéressant d’y participer.

 

« J’espère que cela nous servira de plateforme pour d’autres projets à l’avenir ».