Nordiq Canada mise sur les normes de performance dans une nouvelle ère
À la ligne d’arrivée de l’épreuve du 10 kilomètres à départ individuel au pas de patin des championnats du monde juniors, par un après-midi froid de février dans le village de Vuokatti, en Finlande, Erik Bråten, entraîneur de l’équipe nationale, avait une question quiz qui réchauffe le cœur pour l’un des talents émergents du Canada.
« Eric m’a dit “Un seul autre gars a déjà remporté une médaille individuelle à ce niveau. Je crois que tu connais son nom”, » se souvient Olivier Léveillé, 19 ans, de retour à la maison à Sherbrooke après les championnats du monde juniors de ski.
Oui.
Et puis?
« Est-ce que je savais son nom? » dit Léveillé, joueur. « Oh oui, je connaissais son nom. »
Un autre québécois, bien évidemment Alex Harvey, la référence absolue pour tous les skieurs actuels et futurs au Canada, cinq fois médaillé aux championnats du monde de la FIS, qui s’est également tenu sur quatre podiums des championnats du monde juniors et U23 avant de remporter 32 médailles de coupe du monde, dont sept d’or, a eu un parcours incroyable.
Léveillé, de retour à la maison après les championnats du monde juniors 2021 et en quarantaine obligatoire de COVID-19 sans pouvoir faire de ski, n’était toujours pas revenu de son temps de 24:53.9 qui lui a valu la médaille de bronze; la troisième médaille remportée par un Canadien, aux côtés de Harvey et Marie-Josée-Pépin, dans une épreuve individuelle aux championnats du monde juniors.
Alors qu’il attend impatiemment l’occasion de remettre ses skis et de continuer sur son élan de Finlande, la médaille de bronze de Léveillé est toujours à ses côtés, sur une table de chevet dans sa chambre.
Médaille qui, Léveillé et le Canada l’espèrent, est la première d’une longue série sur la scène internationale.
« Au début, je n’y croyais pas, » admet Léveillé. « Ça me semblait tellement fou. Mais je suis revenu à la réalité maintenant. »
« Ça représente tellement de choses. Pour l’encouragement, pour la motivation. »
« Ça permet de rêver. »
Un élément essentiel de ces rêves qui mènent à un brillant avenir pour le ski de fond international au pays est le programme de récompense basé sur les performances lancé par Nordiq Canada pour aider à diminuer le fardeau financier, souvent très lourd, des athlètes amateurs de haut niveau qui voyagent pour leur sport.
« On entre dans une nouvelle ère avec un groupe de jeunes athlètes très prometteurs, » commente la directrice de haute performance de Nordiq Canada, Kate Boyd. « Comment ramener le Canada sur les podiums internationaux? Il faut viser le succès, rehausser la barre des performances, différencier le bon de l’excellent, pour réussir à créer une équipe à la hauteur de nos attentes. »
« En ce moment, c’est une entreprise coûteuse. Les athlètes doivent payer. Tous les sports comportent des frais, à un niveau ou un autre, qui varient selon le sport. »
« Dans un effort pour rembourser une partie de ces frais, les primes basées sur les performances ont été mises en place pour reconnaître les réussites : dans le top 6, la totalité du voyage est remboursée; le top 12, c’est 75 % des frais; et le top 20, c’est 50 %. »
« Huit athlètes ont atteint ces normes, certains plus d’une fois, pendant les championnats du monde juniors et U23 et les coupes du monde. C’est très excitant, car on ne voyait pas ces résultats dans les dernières années. Nous en attendons encore plus. Nous avons modifié les critères de l’équipe nationale de ski, les performances à réaliser pour être sélectionné aux équipes sont maintenant très claires. »
« Nous avons obtenu de très bons résultats cette année. Par exemple, la fin du relais sprint aux championnats du monde était palpitante à regarder. Les bonus de performance sont basés sur les résultats individuels, mais de voir deux jeunes U23 (Graham Ritchie et Antoine Cyr) qui coursent contre le meilleur au monde et terminent près du podium, en septième place… Wow. C’est vraiment positif. »
« La médaille de bronze d’Olivier était fantastique. Son coéquipier des juniors, Tom Stephens, a aussi eu trois courses très constantes aux championnats du monde : un top 12, un top 10 et un top 5. »
« Il y a du bon talent dans notre système. Maintenant, la question est : comment faire pour les appuyer le plus possible? »
L’initiative de prime pour les performances est certainement un très bon départ.
« La première fois que j’en ai entendu parler, c’est certain que j’étais content, » dit Léveillé. « J’imagine que ça a augmenté un peu la pression avant la course. Ce n’était pas une mauvaise pression. C’était un bon stress. Un stress qui motive, qui fait performer. »
« De savoir que ma fédération va me récompenser si je performe bien, c’est plutôt chouette. C’est une très bonne idée. J’espère qu’ils vont continuer à le faire pour les prochains athlètes et à l’avenir. »
« Je ne peux pas vraiment dire que j’y pensais pendant la course, mais après, c’est sûr que oui. Les dépenses pour un voyage aux championnats du monde juniors sont assez élevées et on y pense toujours. En enlevant ce stress, je peux me concentrer sur l’entraînement plutôt que sur mes finances pour l’année prochaine. C’est une bonne façon de nous motiver et ça nous aide à nous concentrer sur l’entraînement. »
Graham Ritchie, de Parry Sound, en Ontario, a atteint le seuil de performance à deux reprises grâce à une 17e place au sprint à la coupe du monde l’Ulricehamm et une 20e place à Vuokatti au 15 km, tout comme Tom Stephen avec ses deux résultats dans le top 15 aux championnats du monde juniors.
Les autres athlètes qui ont atteint le top 20 et se sont mérité une aide financière sont Katherine Stewart-Jones de Chelsea, QC (17e au 10 km à la coupe du monde de Falun), Maya MacIsaac-Jones d’Athabasca, AB (18e au sprint à la coupe du monde d’Ulricehamm), Pierre Grall-Johnson, d’Ottawa, ON (17e au sprint aux championnats du monde U23 à Vuokatti), Antoine Cyr de Gatineau, QC (18e au 15 km des championnats du monde U23) et Jasmine Drolet de Rossland, C.-B. (18e au 15 km classique des championnats du monde juniors).
« C’est certain que c’est une bonne initiative, » commente Ritchie. « Évidemment, on fait de notre mieux peu importe la situation, alors c’est un bel extra quand on performe bien plutôt qu’une motivation avant la course. »
« Je pense que ça m’a peut-être motivé un peu plus, mais honnêtement j’étais déjà assez motivé au départ, donc je le vois vraiment comme un soulagement après la course quand on sait qu’on a mérité ce bonus. Je crois que la prime sur la performance est très bénéfique pour les athlètes. Personnellement, j’apprécie toute l’aide financière que je peux avoir. Sans cette aide, je ne pourrais pas faire ce que j’aime tous les jours. »
D’autres skieurs se rapprochent des standards.
Cendrine Browne de Saint-Jérôme, QC, par exemple, a connu sa meilleure saison à vie avec une suite de résultats dans le top 30, notamment une 23e place et quelques 27e places aux championnats du monde seniors à Oberstdorf, en Allemagne.
La 23e place de Browne était à la tête d’un groupe de trois Canadiens dans le top 30 aux deux skiathlons de 15 km pour la première fois aux championnats du monde depuis près de 10 ans. Katherine Stewart-Jones de Chelsea, QC, s’était classée 28e chez les femmes et Antoine Cyr, 27e chez les hommes.
« On sent qu’on bâtit quelque chose de grand et on profite de notre élan, » dit Browne, 27 ans, qui portait la feuille d’érable aux Jeux olympiques de 2018 à Pyeongchang. « C’est très motivant de faire partie de l’équipe féminine. Les hommes aussi ont des bons résultats, alors en ce moment c’est vraiment un environnement très positif. »
« Avec tous les changements au sein de Nordiq Canada, c’est un nouveau départ et c’est super qu’ils essaient de nous faciliter la tâche, sachant qu’avec les coupes du monde on a beaucoup de frais à payer. »
« C’est un début. Je ne suis pas sur l’équipe nationale cette année, alors c’est vraiment difficile financièrement. En ce moment, il faut absolument faire partie du top 20 (pour avoir droit à l’aide financière). J’espérais vraiment l’atteindre et il me reste quelques courses pour y arriver. »
« Comme j’ai dit, c’est un bon départ, mais ça en prend un peu plus pour vraiment réussir. Je pense qu’on est dans la bonne direction et j’ai hâte d’entendre leurs nouvelles idées. »
Le nouveau départ dont parle Cendrine Browne, avec un regard tourné vers l’avenir et les Jeux olympiques de Milan et Cortina en 2026 et au-delà, commence tout juste à se préciser.
« On veut vraiment mettre les choses en place pour le succès des athlètes canadiens et les aider à trouver un chemin vers ce succès, » ajoute Boyd. « On veut absolument aider les athlètes à réussir, à apprendre, à croître et à se développer, mais on va également appuyer ceux qui performent sur la scène internationale. »
« On ne veut pas dire que ce n’est pas accessible à tous, mais une fois qu’on atteint les normes, c’est là que tout s’enclenche. »
« Je pense qu’avec les primes de performance et la clarté des critères, on montre vraiment le bon chemin. Les athlètes peuvent tout voir sur papier et dans l’appui qu’ils reçoivent ou les équipes auxquelles ils sont sélectionnés. »
« Ils ont un but à atteindre. »