Poursuivre son rêve d’une vie saine dans le Nord canadien
Il a brièvement travaillé comme gardien de rennes dans les régions sauvages du nord de la Russie; il y a plus de 20 ans, il a entamé un ambitieux projet : un voyage à vélo de Paris à Montréal avec 280 $ en poche et son fidèle chien, Misha, à ses côtés.
Il a donné plus de 1000 conférences dans les écoles pour parler des bénéfices de l’activité physique en plein air et il a travaillé avec les instructeurs de Nordiq Canada pour trouver la meilleure façon de partager l’amour du ski de fond.
Avec tout ça, Benoit Havard est considéré comme un expert sur les avantages des rêves d’aventure en plein air pour les jeunes.
« J’essaie de les faire rêver à ce qu’ils veulent faire dans la vie, » explique Havard, qui est fils d’un policier de Montréal. « C’est tellement important. »
« J’ai travaillé avec les jeunes toute ma vie. Je viens d’un milieu où la porte était verrouillée et je ne pouvais entrer dans la maison dans la journée, nous devions jouer dehors. J’aime penser que je fais peut-être une différence dans la vie des jeunes. Nous avons tous à traverser des défis; si nous avons une façon saine de nous en sortir… c’est vraiment la meilleure solution. »
« Quand j’étais jeune, j’étais atteint de paralysie cérébrale du côté droit et je regardais les autres enfants courir et jouer dehors, alors que je ne pouvais pas le faire. Pour moi, c’est devenu essentiel d’en être capable. Je me suis dit : “C’est comme ça que je vais avoir une meilleure vie.” »
« De nos jours, on voit de plus en plus de jeunes qui restent à l’intérieur. En tant qu’instructeur de ski, je vois bien que les enfants ont plus de difficulté avec leur coordination; ils ne sont pas aussi actifs qu’autrefois. Nous essayons de changer ça. »
« Il faut essayer de vivre ses rêves. Par exemple, n’importe qui peut faire le tour du monde en vélo en hiver, en passant par la Sibérie, et même avec un chien s’ils le veulent… Après tout, je l’ai fait! »
En tant que guide/instructeur du projet White Bear Adventures (nommé ainsi parce que pour lui, l’ours est un symbole de courage, de sagesse et de force), Havard, grâce à sa collaboration avec des écoles locales à Iqaluit (Joamie Elementary School et École des Trois Soleils), a établi un partenariat avec le Aniirajack Cross Country Ski Club pour aider à répandre la joie et les bénéfices du ski de fond dans capitale éloignée du Nunavut, qui compte une population de 7200 habitants.
L’objectif est de partir de cette base pour attirer plus de gens à pleinement tirer profit d’un lieu où les paysages sont à couper le souffle partout où l’on pose son regard.
« Les courbes technique et physique des enfants se croisent entre 8 et 12 ans, » explique Havard. « C’est la période cruciale si vous voulez en faire des personnes actives. Il faut mettre en place une infrastructure. On ne peut pas y arriver simplement à partir d’un conteneur. »
« Si on n’ouvre pas la porte, personne ne va entrer. Il faut établir un besoin, une demande. Pourquoi est-ce que les gens jouent au hockey? Parce qu’il y a un aréna. Nous devons mettre l’énergie pour développer les pistes et les débuts de sentier. On doit s’assurer que les jeunes ont accès à l’équipement, qu’ils peuvent s’inscrire dans un club ou à des courses. C’est comme ça qu’on peut bâtir une communauté. »
Joamie est une école bilingue (anglais et inuktitut) de la maternelle à la cinquième année et École des Trois-Soleils, comme on s’en doute, est une école principalement francophone.
Le club Aniirajack fait de l’inclusion de tous une priorité.
« Lorsqu’on a choisi le nom du club il y a 5 ans, on a choisi Aniirajack, qui signifie “jouer dehors”, » explique le directeur du club/président de la division, François Fortin. « Nous reconnaissons qu’en étant au Nunavut, nous nous trouvons sur une terre inuite. Ça peut être difficile d’impliquer les Inuits dans le club, car ce n’est pas une activité traditionnelle pour eux et des frais y sont rattachés. Dans notre programme Jackrabbit, nous avons toujours quelques places pour des inscriptions parrainées. Par le passé, nous avons vu des personnes parrainer une famille : ils allaient chercher les enfants pour les amener au club et les enfants pouvaient participer aux activités. »
« En plus des Inuits, des francophones et des anglophones, nous voyons de plus en plus de jeunes d’origine africaine et d’autres cultures aussi. Il y a beaucoup de nouveaux immigrants au Canada. »
Plus on est de fous, plus on rit.
« Peu importe d’où on vient ou notre culture, que ce soit Inuit, francophone ou anglophone, peu importe la couleur de peau ou les origines… ce que je trouve important en ski, ce n’est pas la technique ou la performance, mais le plaisir. Qui n’aime pas avoir du plaisir? »
« La Joamie School compte plus d’enfants inuits et cette année, j’en ai à tous les niveaux, comme pour l’école francophone. Je vais enseigner le ski de fond tous les jours de mars à mai. Ils veulent plus d’entraînement et faire des compétitions. »
« J’ai fait une petite station de ski dans laquelle ils peuvent se mettre au défi à tous les niveaux. Lorsqu’on y va, je les laisse aller et je les observe. »
« On fait des jeux, on chante des chansons. Nous avons du chocolat chaud, une cabane avec un poêle à bois. On est confortables, ils ne se sentent pas misérables. J’essaie de prendre soin d’eux. On doit les amener dans un environnement dans lequel ils se disent : “Je peux y arriver. Je peux descendre cette côte sans tomber”, ou encore “Je peux me relever quand je tombe.” »
« Mes groupes préférés sont les jeunes de maternelle. J’adore travailler avec eux. Cette semaine, j’ai deux groupes de maternelle. J’ai très hâte. Avant ils tombaient et ils savaient à peine comment tenir debout. Maintenant, ils descendent des côtes. C’est incroyable de voir leur développement. »
La culture du ski de fond au Nunavut commence à peine à reprendre de l’élan. Il y a plusieurs années, John Unjalaq et sa femme Rhoda avaient lancé un programme avec les écoles et l’activité a été très populaire.
« Les gens ont pu essayer le ski et ils ont vraiment aimé ça, » explique Fortin. « Quand John a arrêté, le programme n’a pas continué. On repart à neuf. »
« On réussit à croître chaque année. L’an dernier, pour la première fois, on a organisé une compétition intercommunauté en partenariat avec Arctic Bay. »
Aniirajak offre actuellement la location d’équipement et a de la difficulté à fournir à la demande.
« C’est un bon défi, » reconnaît Fortin, « car nous n’avons pas les installations. Tout est temporaire en ce moment, on a de la difficulté à trouver un terrain permanent sur lequel on peut construire. Nous avons une structure avec des conteneurs et un permis temporaire de la ville pour utiliser le terrain. Nous nous amusons beaucoup. Nous utilisons un conteneur pour l’entreposage, et l’autre appartient à Benoit, notre partenaire. Il fait environ 40 pieds de long, il a des portes et des fenêtres et l’intérieur est chauffé. C’est vraiment comme un petit chalet, c’est super. »
« Il y a deux ans, on a commencé à tracer des pistes. Ça fait une grosse différence. C’est un vrai paradis du ski ici, on peut skier à l’infini! Il n’y a pas d’arbres alors on peut aller n’importe où, tout ce qui manque c’est la confiance. Depuis qu’on a commencé à entretenir les pistes, c’est devenu très populaire. On voit des gens utiliser les pistes toutes les fins de semaine, c’est bon pour les enfants. »
La communauté de ski de fond s’inspire beaucoup du 795e Escadron d’Iqaluit des Cadets de l’Aviation royale du Canada, qui a créé un programme de biathlon fleurissant.
« Ils sont bons pour tirer, mais moins pour skier, » commente Fortin, « alors nous voulons collaborer plus avec les Cadets. Nous les aidons à mieux skier. À Arctic Bay, j’ai entraîné l’équipe et ils sont vraiment motivés. »
« Nous voulons bâtir quelque chose qui va durer et qui est pour tout le monde pour partager notre passion du ski à tous. Nous avons perdu un peu d’élan avec la COVID-19, mais la saison ne fait que commencer pour nous. Les mois les plus occupés sont avril et mai. »
Ils espèrent que le meilleur reste à venir.
« Notre vision est en trois parties, » résume Fortin. « Premièrement, on met le plus de monde possible sur des skis au Nunavut. Deuxièmement, on prépare les athlètes pour participer à des compétitions importantes, le premier objectif étant les Jeux d’hiver de l’Arctique dans deux ans. Troisièmement, on veut organiser des compétitions de ski et de biathlon pour avoir un événement annuel à Iqaluit, dans le but d’attirer les jeunes et les moins jeunes des environs, mais aussi du Canada, et qui sait, peut-être du monde entier. Nous croyons qu’il y a un potentiel pour ça. Nous avons tellement un endroit magnifique et unique, si on peut organiser et impliquer la communauté pour un gros événement, ça pourrait marcher. La saison dure plus longtemps ici, on pourrait le faire après les autres compétitions. »
« Notre club est jeune, on ne fait que commencer, mais c’est notre objectif ultime. »
Le très enthousiaste Benoit Havard vous le rappellera, rêver est un cadeau universel accessible à tous.